l'immédiate
journal d'O.

 

 

comment était-il me demande L et je hausse les épaules : australien, vraiment pas de sa faute. le genre de type toujours fringué d'une façon tout à fait improbable, les types tranquilles j'ai toujours eu un faible, et les yeux pers, une bouche de fille, de vraies épaules. il me rappelait la mer, deux ou trois chanteurs anglais des années 90, Alice White de Rep Theater. il buvait des whiskies à l'enquille, comme ça, avec une tenue de chalutier de haute mer. il n'avait peur de rien et à peine plus de moi, ce qui sans doute m'aurait agacée s'il n'avait été fou - fou de joie et de danger mélangés. il respirait sa langue tant et tant qu'elle m'en semblait étrangère à nouveau, à prendre dessous sa peau. il avait cette façon naturelle et presque autoritaire de me garder de la pluie ; cette autorité des corps, je le découvrais d'un coup, c'est aussi la tendresse. de lui j'aimais d'abord la rencontre, très vite autre chose m'emportait. tout cela ça n'était pas même notre histoire seule : c'était celle de sa fuite, de mes heurts, l'histoire des grands typhons sur la ville merveilleuse. l'histoire je l'ai rompue, je l'ai abîmée même parce que l'amour m'effraie, l'histoire je n'y peux rien elle résonne encore si fort du coeur rouge des grandes roues d'Odaiba et de la longue baie froide, quand tu erres à nouveau quand tu te laisses aimer par la foule des faubourgs par les mains de silence des filles de Shibuya quand tu appuies ta tête aux tremblements de la terre et de tes souvenirs, quand tu me dis enfin : cette ville crainte et aimée, j'y suis revenu vers toi.

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dimanche 6 août 2006