l'immédiate
journal d'O.

 

 

cette lame sans cesse passée dans la poitrine - d'un sens, de l'autre, le fer, la plaie, luisante et tranquille et mes deux mains portées au gouffre soudain - le coeur tordu petit fragile comme un chiffon - à dix ou douze ans déjà l'élan s'en venait dans la chair ; une sorte de séisme silencieux et qui ouvrait la cage thoracique pour n'en rien libérer ; je m'effondrais - et encore, et toujours, tirée secrète de sa torpeur la bête électrique plante ses crocs haute tension sous la nappe veloutée de l'os et de la peau - les rochers sur le coeur se resserrent comme à marée montante - les images se succèdent, la fulgurance m'enivre - dans le rêve je vois la main gantée et mystère je la vois enfoncer la lame jusqu'à la garde, je l'aime et je la crains ou bien est-ce le désir qui exige la peau à la craquer, lame de fond très lentement roulant sa folle passion sous la surface de l'eau en corps sûr et puissant comme je l'ai vue enfler, râper et éreinter encore ses flancs à la falaise, comme je l'ai vue tout prendre de la baie argentée de Taylor's Mistake ? si belle la vague alors, si belle tombant entière sur la plage consentante et grondant son coeur déchiqueté comme un grand animal.

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jeudi 19 janvier 2006