l'immédiate
journal d'O.


sauvée de la tristesse par le film-collage de Chris Marker, Sans soleil
sauvée par le désir réinventé de chaque chose
cut-ups, détournements, plans secrets, images-rêves
et je regarde la longue déformation des ferronneries du balcon, comme elles viennent s'imprimer dans l'épaisseur blanche du rideau de lin, poussées à bout par la lumière

tout à l'heure dans le bus 75
l'allure, la couleur, la puissance - quand je me disais : le bus, c'est mieux que le cinéma !
par le cadre de la fenêtre tableaux après tableaux qui se fondent et s'entraînent, un type debout sur un étrange engin électrique à deux roues surgit d'une ruelle étroite et déconstruit la foule, les petites poufs le poignet cassé en deux pour rythmer le flot de leurs paroles le manque total de synchronisation entre leurs lèvres, leurs gestes, leur apparente confiance et la misère de leur bêtise, un très beau garçon arabe au téléphone, tout près de toucher la vitre, infini, je le vois de très près lui ne voit que la pub dont le bus, hideux, est indécemment habillé, oh le mouvement régulier, l'heure qui coule, une femme qui s'arrête soudainement pour regarder un enfant, des flaques noires et parfaites qui reflètent des néons, comme une balle de flipper le soleil déjanté roule et se heurte à toute chose, clac clac clac ! rideaux roulants qui tombent, la foule crachée des magasins réingurgitée des métros, attentes précaires et incertaines devant les statues, les fontaines, les vitrines - partout les mêmes corps usés, impatients

quand partout en moi résonne le rire fou de Nastassia Filippovna

 

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mercredi 24 mai 2006