l'immédiate
journal d'O.

 

 

je sens le coeur violent en moi qui se durcit. avec le jour qui tombe la place de la nation rappelle celle du souvenir : 17 ans la fumée dans la gorge (citron et sérum), les voitures renversées, le corps arqué des hommes battant les jeunes à terre - je ne quitte pas des yeux le jeune et fougueux A parce que je sens qu'en lui monte la colère folle comme elle s'avance en moi ------- une à une les images écartées jusqu'alors font à nouveau surface : jonquilles aux CRS, les ruisseaux de sang pour réponse, fous d'illusions d'abord mais sur le terrain de la rue on apprend vite et bien, l'importance d'aiguiser à tout bord cet immense souci d'indépendance politique, pourtant connaître ses alliés, adolescente j'avais un talent particulier pour sauter les grilles cadenassées, escalader les fenêtres et prendre les chemins de traverse, jamais je n'ai seulement mesuré la possibilité du danger - ou bien à son ivresse, entière dans l'interdit (romantique), la transgression nécessaire - et refusant de signer une déclaration qu'un inspecteur s'évertuait à me présenter comme imposée (cause toujours mon garçon), dans la cour macabre du commissariat je lisais l'Avertissement aux écoliers et lycéens de Vaneigeim, très vite j'avais 18 ans et ils n'avaient plus le droit de me garder - et personne n'a le droit de me garder - alors - il paraît que "la jeunesse est une maladie dont on guérit" - ils ne savent pas, ils ne savent rien, ils ne peuvent pas même imaginer la colère qui nous brûle le coeur et qui, à tout temps de la vie ou du jour, s'appelle aussi la résistance.

 

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samedi 18 mars 2006

 

 

Jackson Pollock
The She-Wolf (1943)