l'immédiate
journal d'O.

 

je pense à M qui ne pense pas à moi. le jour se lève. rien ne bouge. je pense à ses mains de géant et son orgueil idem, je pense à ses yeux dangereux, Uli singe les joggeurs de l'aube pour me faire rire, il vole dans les massifs somptueux du parc des fleurs et des branchages, brassées rendues à mes bras. comme tout est clair soudain : il y aura toujours l'appel et puis le grand élan. l'amour cette chose idiote, et vive et belle comme le désir, oui l'amour reviendra, et l'amour ça sera aussi encore mes mains rougies de froid dans un jardin au petit matin, mes yeux crayeux, la façon dont on se serre ensemble dans une rame de métro vide et violente, toujours si fous de vivre et de n'en rien comprendre. les foules s'amassent, nous évoluons par morceaux, nous n'avons pas d'attaches, nous n'avons pas d'horaires, nous sommes du même pays - celui qui n'existe pas celui qui se dessine dans l'appel du grand rêve et l'ailleurs, et l'humain, nous sommes ensemble toujours dans des nuits de veille lente. je pense à M je ne pense plus à M tel que je l'ai aimé je pense à la douceur de son appui (ce que je garde de lui), je pense à tout ce qui reste toujours à venir, je pense à la Scandinavie que je ne connais pas, au squat de Christiania au fond de Copenhague, aux villes détruites de l'est, aux terres perdues en friche, à tout ce qui appelle, aux déserts andalous et à la mer d'Aral que je voudrais filmer, aux docks néerlandais avec leurs grues furieuses, la lumière, les visages, les accents, la vie vraie - et la fatigue, la bonne fatigue de la peau entraînée - je pense à l'échappée, à tout ce qui me tient encore quand le doute m'envahit. le jour se lève, nous sortons dans la ville réapparue au monde, et l'odeur du café, le morceau de pain chaud et tendre, toute la vie est là et Sigi qui doucement, tranquillement, remplit le sucrier en verre avec la précaution attentive et sublime de celui qui se sait, intensément, responsable de chaque petit fragment de sa présence au monde.

avant - après
index - journal
ego - archives -

© 1999-2007

dimanche 17 septembre 2006