l'immédiate
il n'y a pas d'autre
beauté : enfant-prince, les yeux gris, la bouche pâle, et
puis l'étrange tristesse. ses lèvres palpitent sur la
Vltava, je le regarde trop, avec le goût de l'interdit. quand il
s'est assis à côté de moi j'ai dit : "oh".
plus
tard j'ai compris, quand les morceaux de glace venaient
s'éventrer sur les troncs d'arbres taillés en pieux qui
entourent les piliers du pont Saint Charles. ils venaient avec joie.
ils venaient à pleine vitesse. j'étais folle d'être
entière couchée à ses côtés par
dessus les montants de pierre pour aimer la rivière et puis
battant des mains, éberluée. c'est tout ce qu'il faut
vivre : le pont Saint Charles aux côtés du plus beau
garçon du monde, et belle aussi soudain d'être avec lui, vivante.
il ne dit rien, tout ce qu'il dit sans le savoir c'est : encore,
rassembler ses forces pour vivre,
au-delà de soi-même. seule, plus jamais seule, au
fond tout au fond du tram fou de chaleur, quand il se donne entier et
que ses yeux se brouillent. il est très jeune, magnifique, il
veut être un homme tendre et
terrible à la fois, assuré comme la tour
poudrière, adonné à sa tâche, sa passion,
son désir, c'est une épreuve pour lui et dont je jouis
absolument quand je détourne le bon sens de son éducation
: "je n'ai pas besoin d'être protégée", et hiératique sans orgueil il répond : "je ne sais pas ce qu'il faut être aujourd'hui pour être un homme".
merveille des merveilles, conjonction magique des étoiles et de
l'eau lourde du fleuve, je ne sais rien non plus quand nous marchons
au pied de l'Hradcany à minuit, je ne sais rien sous la
masse du château brillant, et le long des ruelles qui s'en vont
en filigranes de ma joie je compte les marches et les pavés je
compte les secondes de la nuit pour ne jamais rien oublier de ses yeux
de fumée, son insoutenable beauté. samedi 1er décembre 2007
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