l'immédiate
oui Prague : cette rue qui s'ouvre elle sait que je suis venue seule, comme les rues de Tokyo et de Wellington, comme toutes les rues de Paris même elle sait que j'avance entière, absolue, désirante : seule, par choix, par force ou par dégoût, seule toujours elle le sait, et moi aussi je le sais, et peut être j'ai rêvé, oui je crois que je me suis trompée - pour moi, avec les hommes, il n'y a pas d'amour possible. on voudrait la douceur, l'allure folle, entrer incidemment en l'autre et puis le connaître à la langue : on se heurte, on se trompe, j'ai trop peu de courage pour toutes ces sordides concessions dont il faudrait se satisfaire. la nuit vient. je ne pleure pas. les trams passent comme des mains dans des rues inconnues, les trams comme des lumières vives, et chaudes, des flèches instables et sûres qui m'emmènent en avant, malgré moi. toujours je saurai me donner à une ville pour la beauté de sa nuit et l'appel insensé. toujours la lame de couteau dans mon coeur la lame terrible qui se retourne c'est aussi la lame de ma peau aiguisée au devenir. seule tellement, seule et si tout m'effondre le manque pourtant ne peut pas me détruire entièrement. le manque n'existe plus quand tout reste, somptueusement, à vivre et à construire. ici et là fuyant dans le dédale secret de Malá Strana, c'est comme le rêve d'un rêve : une douleur intense qui foudroie la poitrine et pourtant je crois que j'ai souri. vendredi 30 novembre 2007
|