l'immédiate
journal d'O.


tout le monde fait semblant. la nuit est froide. ma gorge aussi. j'ai envie d'être forte, insensible, odieuse et sans pareil, j'ai envie de te dire : il ne faut pas me laisser seule si longtemps. oh les filles en paillettes, coeurs et jambes jetables, défilés sur commande - elles sont touchantes dans la salle de bain du petit matin, recoiffant leurs franges blondes, tâtant de l'amitié illusoire de l'alcool et des secrets de surface, notant des numéros de téléphone dans l'intérieur de leur poignet, au marqueur noir. je ne suis pas triste : je suis abattue. je les regarde rire et jeter dans leurs bouches les restes d'un repas, je vois leurs cernes, les miennes, le rouge à lèvres qui file et le vernis gratté - il faut pourtant tenir bon dans cette forme de beauté. S est au piano : je chante my funny valentine par delà les corps heurtés et étendus, très lentement, très doucement, et c'est comme avancer sans mouvement sur une flaque de peau abandonnée au rêve. le jour se lève. je suis un désastre. quand N ferme ses mains sur mes mains dans la clarté glaciale d'un couloir sans issue je pense qu'il est très beau jusque dans les néons mêmes, les yeux frangés et sombres, bouche rouge comme mordue par avance , je pense : ne tombe pas dans le piège, ne crois pas mon corps car il ment, ne me pousse pas plus encore derrière l'écran de mon visage ou la tendre facilité d'un désir factice ; je dis : tu es splendide, ça n'est pas toi que je veux.

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vendredi 6 juillet 2007