l'immédiate
la joie immense et insondable en lisant Les détectives sauvages de Roberto Bolaño : je ne veux plus dormir et je ne veux plus parler, je ne veux plus rien, c'est le monde entier sous la peau que je désire à chaque instant du jour ou de la nuit dans la ville explosée de soleil et l'ombre des volets fades - cataracte incroyable - l'épiphanie sans cesse renouvelée. voilà pourtant ce qu'il faudrait toujours : une ville massive, des cafés sales, l'ailleurs sur le bout des doigts, et faire l'amour pour la beauté d'un homme ou de son désespoir. de temps en temps, écrire, des trucs inutiles et sans prix, limés à l'image même, des trucs nécessaires et dangereux, à garder dans le secret d'un arbre ou d'une boîte en fer. vraiment, j'appelle et je redoute la rencontre du Mexique, du Chili, de l'Argentine ; je la veux cette lumière impossible sur des villes monstrueuses, cette faille sismique du coeur le long d'un chemin de campagne, dans une poussière froide, vers des lacs disparus ou le bord d'une pampa de joie simple, tout le temps éreintée et tout le temps vivante. il n'y a pas d'issue, mais il y a des passages. il y a des échappées vers des domaines de rêve et de pluie tiède, avec les bateaux lourds qui descendent lentement le long de la côte est comme des monstres bibliques. je me souviens de cette idée d'Alejo Carpentier : l'Amérique latine, c'est le lieu d'une mythologie qui n'est pas encore fixée. rien n'est sûr, tout s'y fond, et l'Afrique et l'Europe et les villes japonaises sur les côtes du Brésil : l'oiseau de feu nahuatl aux côtés du Christ mort, l'art vaudou et l'Eldorado, le refuge des communautés religieuses ou fascistes, les utopies, le danger du désert et de la mer ; espace ouvert de l'accueil, encore neuf et mouvant, toute réalité égale, tout rêve aussi. (Carpentier disait : cela même qui rend le "réalisme merveilleux" possible. c'est à dire : cela même qui sauve la littérature.) et peut être que je ne m'en remettrai pas, et peut être que je n'en reviendrai pas. avant -
après 10 juin 2007 |