l'immédiate
journal d'O.

peut être qu'il n'y a plus d'issues. je pense à Ligiana dans la nuit froide, avec de vieux tangos absurdes qui lui déchirent le coeur, ses cheveux défaits, sa bouche pâle, le garçon aux cheveux noirs dressé au bord de la fenêtre je l'ai pris pour le désir mais ? le vide, l'appel, c'est si facile de glisser de l'autre côté, c'est très lent dans la chute, le ralenti des pierres qui roulent comme en cascade, le lierre froid, les étoiles, voilà - la mort, jamais cachée, toujours en moi, toujours précise, je passerai d'un état à un autre de ne plus même sentir la frontière qui les marque. plus d'issues, j'en invente, je pense à Ligiana, ma grande passeuse d'images, celle qui brise les bateaux pour le goût de me divertir, et Dora, et Sacha, tant d'autres, ces femmes secrètes en moi ces immédiates sensibles qui me gardent de moi-même parce que sans fin elles ouvrent les brèches vers le rêve, vers l'ailleurs, la fiction qu'elles habitent pour me faire des refuges. parfois tout s'effondre, et elles sont mortes en moi. parfois les voix reviennent, leur corps aigu comme un cri, parfois c'est impossible, souvent j'ai peur, tout le temps : les mots ne suffisent pas. heurter, heurter, et sa peau à la nuit et sa vie à l'absurde, je pense à Ligiana dans sa chair de méduse, bleue presque dans la mer quand elle dort sous la vague, si douce sous les doigts, si liquide et facile, elle n'a pas d'âge à donner, pas d'excuses, elle est l'étrangère rencontrée sur une plage avec ses cheveux remontés pour nager, elle est l'incendie des aires sud, l'algue merveilleuse, celle qui fantôme de mon coeur étend sa main impalpable dans les escaliers où je tombe, elle arrange pour ma joie l'amour dangereux des jeunes filles et la fin des miracles, sans relâche elle refait sur un voeu, sur un signe, l'immense carte sismique de mes failles.


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mercredi 14 mars 2007

en fond : une toile de Pollock