l'immédiate Arthur Cravan dans sa barque aux requins n'est jamais arrivé en Argentine - ou ce qu'en disent les immobiles. moi je sais bien que l'on peut aimer l'Argentine, et le Chili, et les confins de la Patagonie sans y avoir jamais posé le pied de ce côté-là de la réalité. les images sont trop fortes. les appels incessants. des émissaires de confiance naviguent et veillent au passage, nocturne, merveilleux, des corps inassouvis. on peut aller entière se jeter dans des rues pleines de foule et de sueur, on peut connaître la nuit, la plaine mangée de lune, le bord bleu de la mer frangée de son désir parce que l'alliance d'abord et puis le rêve ensuite sont les premiers bateaux. Cravan n'est arrivé nulle part : je suis vers lui tout le temps. le soir, de la table heureuse sous la verrière où nous dînons de joie et de vin je glisse le long des livres anciens et des miroirs, je devine, je sens le filigrane passé de cette maison de Montparnasse qui fut un atelier d'artiste, un creuset fer et bois, burins au sol, fenêtres ouvertes et la silhouette de Jeanne Hébuterne au lit de Modigliani... dans le salon où P sert maintenant le maté la sculpture d'une femme voudrait toucher le miroir ; un dindon de cuivre les regarde fixement : si Chana Orloff a exposé au Salon d'Automne en 1913, peut être a-t-elle croisé Cravan là-bas ou bien au Salon des Indépendants l'année suivante ? les dindons étaient assurément du goût de mon très grand préféré, les femmes nues, souples et lascives tout autant... tu rêves de Cravan comme une femme amoureuse me dit P : je dis oui, oui, oui, toujours et pour la vie amoureuse de celui qui va vers le fracas splendide de l'éternel départ. mardi 27 novembre 2007
|
![]() |