l'immédiate
journal d'O.

 

 

ce qui s'en ira comme le reste. je dis j'ai peur et puis tu me réponds : "tu as raison de te méfier des garçons". j'ai le dos au mur de l'hôtel dieu, la foule passe, la foule de touristes et chalands et les flics, les urgences, la foule palpable pressée irrespectueuse la foule même te dirait : idiot, tu ne sais pas qu'elle va fuir avant de trop pleurer ? quelle misère et puis quel manque de confiance - je ne parle pas de la confiance en soi, en toi, en moi - je parle de la confiance en la tenue de notre désir et qui nous tire, lentement, au-delà de la petitesse facile, de la quotidienneté dégueulasse et des désillusions. j'ai 26 ans. j'ai vécu trop longtemps déjà dans la peur, dans la peau qui fait mal et le goût de la fuite, j'ai tout à vivre encore et encore, quand bien même au matin souvent il me semble plus facile de me tuer que de me traîner indemne à travers la journée. je ne serai pas indemne. je ne serai pas épargnée. j'ai cru pouvoir vivre en marge du réel et la marge est une tranchée : cet éternel sentiment d'inadéquation, d'imposture, de rebut, la douleur et la déréliction. non mon coeur je ne me méfierai pas des garçons, ni des filles, ni de la ville bruissante et qui sonne dans ma tête tout au long du fleuve lourd qui si souvent déjà m'a donné l'idée simple de mourir et celle simple de rester. non, je ne tiendrai pas cette peau en forteresse, et fragile et morbide et dégoûtée du monde d'en être si protégée. non, et je ne me méfierai pas de toi, je prendrai ce qui est, je donnerai jusqu'au bout. lentement la chair s'étend. je suis les images folles qui palpitent sous mes yeux. des images en visage, un bateau pour une côte déchiquetée de lumière, quelque ville froide de l'Est pour marcher et dormir et jouir tout contre toi. ça n'est pas que je vis pour écrire ou pour errer sans cesse dans les livres et les rêves : c'est que je suis là, entière, immense, et pleine d'une blessure qui parfois est une peine et parfois une forme de désespoir, de heurt ou d'abandon, toujours un désir fou d'avancer dans l'onctueuse opacité d'une nuit dans tes bras.

 

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mardi 9 octobre 2007