l'immédiate
dans la rue l'homme-tronc, le type qui voudrait m'emmener sur la lune et la vieille femme hideuse qui chante en espagnol. je reste longtemps dans le hall de l'immeuble de M, je reste yeux fermés et chaussures qui frottent en ronds inutiles sur le parquet ciré, quand je monte l'escalier c'est de me dire que je suis tout aussi irremplaçable que lui, pour d'autres, peut être, pour d'autres, s'ils le veulent vraiment - et traversant l'appartement très vite je suis l'image même de l'aisance, yeux battants, gorge ouverte, serrée à mort au fond d'un visage qui sourit et joue le jeu, impeccablement. M est avec moi comme il n'est avec personne - attentif, absolu, difficile, les yeux qui filent comme de grandes déchirures. T s'approche, louvoyant et physique, T si lisse aux yeux trous noirs et flammes, son air léger de lancer à la volée comme il me voudrait entière et tout à lui - et peut être je m'amuserai un jour de la valeur ajoutée qu'une fille gagne à être la chasse gardée d'un autre. rouages. clins d'oeil. routines. monstruosités. T fait mine d'être troublé : il dit : tu es si... [ case à remplir en fonction du degré d'avancée dans la nuit ]. moi je bois dans son verre, je rêve dans la foule moite, j'avoue : je jubile de la faiblesse des garçons conquérants quand on les ignore, tranquillement. au bord de la mondanité ils me fatiguent, tous autant qu'ils sont et parlant fort avec des prénoms de calendrier, sans accrocs, encartés, ils ont des visages clairs et distincts sur la nuit, leur sourire a un but, quelquefois une fille dans leur sillage surveille leur ascension ou bien elles ont des franges, des sacs griffés et beaucoup d'anticerne, elles ondulent en fumant comme des méduses sereines devant ces types à qui elles se sentent destinées. je les regarde de loin, de plus en plus loin, allongée à demi sur le bord d'un canapé avec mon coeur plein d'eau, de rêve et de langueur, je vis la nuit soyeuse, la vie perméable, et quand bien même touchée, heurtée, bouleversée toujours de désirs immenses je suis pleine dans mes choix, personne ne me possède.
avant -
après samedi 22 septembre 2007
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