breathing under water...
... living under glass

(un journal online)

 

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25.08.01

les mots dans la chair...

j'ai mis ma blouse bleue hier. une blouse pleine de peinture, de terre, de cambouis même. une blouse à faire du dripping, du jardinage et du rangement. une blouse à se sentir vivant. une blouse à faire des trucs de tous les jours, une blouse qui ritualise les chemins de la routine. très jolie blouse par ailleurs, bleue, cintrée, avec des coutures blanches, reste de snobbisme parfait, ou de sophistication parfois à la limite du ridicule, qui me fait vomir les joggings informes et porter des tailleurs chez moi le dimanche. bref. juste un besoin de volupté dans les vêtements que je porte, que ce soit pour aller en cours, à une réception ou dans la poussière de mon grenier. cet extrême sensation de ma propre corporéité, mon attachement à faire de mon apparence physique la digne continuité de mes sentiments, et tiens c'est étrange comme je ne porte que du rouge depuis le mois de mars dernier...

 

hier, j'ai mis ma blouse bleue, donc. cela intéresse quelqu'un ? non, évidemment, c'est pour cela que je l'écris. j'ai mis ma blouse et j'ai entrepris de ranger toute ma chambre, jetant les vieilles peaux de mes anciennes mues, nettoyant tout à la javel du renouveau. allez, hop, toute ma jeunesse dans des cartons. toutes mes vieilles peurs dans des boîtes, mes vieux bonheurs aussi d'ailleurs. j'ai besoin de blancheur. de blancheur ! on dirait un spot de pub, me dit ma copine Ironie. et alors ? j'ai besoin de me réinstaller dans un nouveau jour, un nouveau moi. c'est peut être l'effet rentrée. c'est surtout l'absence de celui qui donne du sens, et la volonté terrible de réinventer le monde même sans sa présence, la volonté terrible de continuer à Vivre, de ne pas jeter son coeur aux fantômes tout simplement parce qu'il me manque comme l'air, comme un mort.

rappel : il ne l'est pas. et tant qu'il ne l'est pas et moi non plus, alors rien d'autre n'importe vraiment.

donc ?

nettoyer l'endroit où l'on vit pour nettoyer sa tête. même chose. j'ai littéralement oublié de manger. j'ai oublié que L devait venir. j'ai tout oublié et j'en suis sortie comme plus neuve, plus pure, purifiée. chacun sa thérapie. la mienne ne coûte pas cher, et si l'on n'en ressort pas plus heureux, la chambre elle en est plus propre. au moins.


il faisait bon dans la maison. L et moi avons dîné aux chandelles. plus tard, dans l'ombre douce de ma chambre, manger de la glace à la vanille avec des bouts de caramel. s'en mettre partout. rire de nous, rire de nos si belles retrouvailles. retrouvailles, oui, après cette année passée ensemble, dans la même école, le même immeuble, et pourtant passée si loin. peut être fallait-il que niko s'en aille pour que L revienne plus près. peut être. qu'importe. L a des yeux d'un bleu qui me ravit. L a des yeux toujours posés sur moi. L a des yeux qui me connaissent par coeur, par corps, et se font reflet de la bienveillance la plus pure, la plus vraie. des diamants.

la conscience innée que j'ai de moi en tant que corps-au-monde. je sais comme je parle, je sais comme je marche. je sais mes mains et mes jambes et mes cheveux tout entiers. je sais l'intensité des regards, je sais l'air qui s'écarte autour. je sais ma féminité, ma sensualité, je sais mon rire et la chaleur qui s'en émane. historique de la conscience de soi ? la danse classique et le corps qui prend place dans l'espace. l'eau et l'oubli de soi dans l'apesanteur, l'oubli de son poids terrestre, la découverte de soi comme un corps presque céleste. l'enfance intelligente, compréhensive des signes du monde extérieur. le passé de nymphette. la séduction de l'Homme, petite, par jeu, parce que babouine pure et tant mieux. l'emportement sensuel, érotique, le besoin fou de se sentir vivante, pulsante, le désir immense de se jeter au corps à coeur dans un rouge sanguin et bouillonnant. le fantasme ordalique. la volonté d'aller jusqu'au bout de sa peur, jusqu'au bout de soi. jusqu'à se noyer. la prédiction d'un prénom, l'excuse d'un prénom pour être folle, libre et entière.

la première fois que j'ai rencontré L, j'ai été frappée par sa beauté. à chaque fois que je vois L, je suis frappée par sa beauté. une sorte de radiance innée, une luminosité née de sa blondeur, de sa fraîcheur, une force née de l'intérieur.
j'avais besoin de le lui dire encore. ajouter, le plus simplement du monde, le plus simplement parce que c'est vrai, sans fausse pudeur, sans modestie, ajouter que hier soir encore, dans la chaleur de l'été, L m'en chuchotait la réciprocité.

la beauté, celle qui naît de la liberté que l'on a avec soi même. de la liberté et du bouillonnement intérieur. je ne me suis jamais trouvée jolie. normal, je n'étais pas Ariane, je n'étais pas Mathilde de la Môle, j'étais moi, dans un corps d'adolescente, un corps dont on dépend comme d'un destin, un corps auquel on ne peut rien. je ne me suis jamais trouvée jolie, je ne ressemblais pas à l'image fantasmée que je m'étais faite de certaines héroïnes, figures de référence. j'ai toujours trouvé mes copines splendides, enviables, et pourtant j'étais juste comme elles. à cette époque-là, la bénédiction d'une jeune fille qui au fond ne manque ni de poitrine ni de charme mais seulement de confiance en soi, c'est le regard des garçons. les attentions, réelles, qu'ils ont. leurs yeux et leurs mains qui réaffirment les contours de soi. je ne me suis jamais trouvée jolie parce que je ne ressemblais pas aux poupées de papier glacé. maintenant je sais que la beauté, la vraie, c'est autre chose. un jour je dirai comme j'ai souffert, comme je souffre encore parfois, de cette légère faille entre la fiction, le fantasme, le rêve, - et la réalité.

pensée pour qui se reconnaîtra : l'amour, le vrai, ne se fonde pas sur des clichés, des images hollywoodiennes. il n'y a pas d'amour parfait, d'amour absolu. l'amour vrai, c'est celui qui comprend l'imperfection, le ridicule, la bassesse, c'est celui qui la comprend, et l'accepte, et la transcende. l'amour vrai, ça n'est pas l'illusion de vivre un rêve, c'est la splendeur terrible d'avoir les deux pieds dans la réalité, et de ne pas s'en sentir plus mal.

miaou ?

des tas de choses à dire, encore. comme L me sublime. comme ses mots, ses yeux me rendent plus forte. comme ses paroles sont si justes : l'absence de niko n'est qu'une parenthèse, un moment en suspends. pas de tristesse à avoir puisque un jour il rentrera, il sera là, et que je sais qu'alors, rien, strictement rien, n'aura changé. j'aurais juste l'impression d'avoir dormi un peu plus longtemps, et qu'à mon réveil il sera revenu, avec ses folies, ses fleurs, et ses beaux yeux d'enfant.

L, le bijou carpe diem qui flotte à son cou, Paris qui fond sous le soleil, marcher dans les rues, dans les couloirs du métro, s'étonner de l'étrangeté des gens qu'on y rencontre, les trouver fabuleux. fabuleux comme des animaux étranges, des personnages de rêve, fabuleux comme une source perpétuelle d'étonnement, d'émerveillement, de bienveillance.

vivre dans l'assurance, la chance, le bonheur fou et délirant que l'on vit belle, et bien accompagnée.

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le jour où elle met deux roses dans ses cheveux, se regarde dans la glace, et découvre qu'elle est belle.
katherine mansfield

cheveux, se regarde dans la glace, et découvre qu'elle est belle.
katherine mansfield