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(un journal online)

 

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28.08.01

écrire l'absence, tracer des ponts sur le silence

tout à l'heure, en traversant le couloir, elle a senti son parfum. elle s'est arrêtée net. a reculé. a humé l'air comme un chien de chasse pour retrouver le parfum, mais déjà il s'était évaporé. alors elle s'est assise, elle n'était pas triste, puisqu'elle ne sera plus jamais triste, mais quand même, elle se sentait lointaine, défaite. évaporée.

où-est il quand elle écrit ? que fait-il, qui voit-il ? est-ce qu'il se souvient encore de ses mains, de ses yeux, est-ce qu'il a gardé avec lui l'empreinte de ses mots, de tout ce qu'elle est pour lui ?

au fond ça n'a aucune importance. tant qu'il est bien. tant qu'il est bien. tant qu'il est bien.

elle n'a jamais pu se résigner à accepter l'idée que les autres se font de l'amour. ses copines aux joues roses, qui couraient après les garçons dans les cours d'école, elle ne leur ressemblait pas. ces garçons aux cheveux plaqués, tous parlant plus fort les uns que les autres, ils ne l'attiraient pas. elle n'aimait pas leur parler, elle les trouvait tout de suite trop étroits, trop étriqués. ils jouaient au foot, ils riaient fort, ah ça oui, mais au fond, horriblement, ils n'avaient rien à dire. c'était trop pour elle. elle restait sage, elle lisait trop, elle n'était bien qu'avec ses amies, ou le soir dans la chaleur de son lit. petite sauvage. de toute façon, pour peu qu'un semblât différent, qu'un vienne à elle les yeux un peu plus clairs, elle ne lui parlait pas, elle évitait son langage. elle avait trop peur qu'il ne glisse ne serait-ce qu'une fois, qu'il ne dérape d'un seul mot, déplacé, décalé, un mot qui l'anéantirait sans attendre. pour ça, elle n'a jamais été tendre. lorsque plus tard elle est tombée amoureuse, par hasard, sans s'en rendre compte (c'était toujours comme ça, et de garçons très fiers, très beaux, - la babouine), elle a essayé d'aimer de loin, de derrière le banc -au moins-, le paravent de ses pensées. apprendre à trop bien connaître l'heureux élu, c'eût été apprendre à trop bien connaître ses défauts. elle avait lu trop de livres déjà pour accepter ça. elle avait trop goûté à l'absolu, le terrible absolu. elle aurait préféré mourir que voir l'image de ses désirs flouée par un seul geste mal fait, un pli mal mis, un mot de trop.

plusieurs fois, par ennui, elle s'est forcée à aimer. elle s'est forcée à fermer les yeux sur ce qui ne lui plaisait pas, pour se concentrer sur autre chose, s'inventer des raisons d'être heureuse comme ça, dans l'immobilisme béat d'un autre qui ne lui convenait pas, mais qu'elle avait trop peur de rejeter, parce qu'en le rejetant, c'est elle qui se trahissait, qui croyait pouvoir vivre un rêve, ce qui relève vraiment du non-sens. or does it ?

elle se perdait en multitude, elle savait qu'un jour les choses changeraient. elle savait qu'elle jouait, qu'elle jouait en attendant, pour ne pas s'ennuyer, pour ne pas se dire un jour qu'elle n'avait rien fait.

rester dans la disponibilité de l'instant. dans le creux de l'attente. ne pas chercher, comme elle n'a jamais cherché, comme elle les a toujours laissé venir à elle, les autres, les marionnettes de son ennui. qu'elle est méchante. une exigence envers soi-même, ses bêtises d'enfance.

les nuits de grand vent, elle attendait la pluie, elle allumait des bougies aux croisées des chemins, pour qu'il sache, pour qu'il ne se perde pas, qu'il n'aille pas sonner chez les voisins, c'eut été trop bête vraiment. dans le sable, dans ses rêves, elle a laissé des messages, des feuilles de papier pliées en quatre dans des bouteilles, avec un plan, un plan avec des flèches pointées vers son coeur en vacance. la folle. l'idiote, l'ingénue, la babouine. la petite orgueilleuse, qui hait les clichés amoureux, et plonge à bras le corps dedans. elle était jeune. elle est l'encore. elle ne changera jamais. pardonnez-lui.

...

tout à l'heure, en traversant le couloir, elle a senti son parfum. elle a cru un moment qu'il était là, tout près, qu'il était revenu. de toute façon elle sait qu'il est là, tout près, tout le temps, que s'il est venu un jour, un soir plutôt, un soir de brume et de grand vent, c'est qu'il est venu pour rester. elle peut bien sentir son parfum. il n'est pas réellement parti. il ne partira jamais. pas lui.

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