breathing under water...
... living under glass

(un journal online)

index - ego - journal - miroirs - liens - écrire

 

 

30.08.01

j'écris, j'écris, j'écris, et je rature. j'efface tout. page blanche à nouveau. très blanche. toute entière dans le silence.

j'ai un peu le vertige. je ne dors pas assez. ce matin, au petit jour, papa buvait du café dans de petites tasses jaune vif. j'ai pris une douche très chaude. j'ai remonté mes cheveux en chignon. j'avais envie d'air frais et d'aube blanche. j'avais envie d'avoir quelque chose à faire, quelque chose d'utile. j'avais envie de lire quelque chose de neuf, de différent, quand tous mes livres m'ennuient. je n'ai pas trouvé.

je regarde rien sur robert. luchini qui s'exclame au téléphone :
- allo juliette, je t'appelle pour répéter ce qu'il vient de me dire, il m'a dit "la tragédie continue", tu entends ça, "la tragédie continue" ?
juliette doit opiner au téléphone.
- mais enfin tu ne peux pas rester avec un mec qui dit des trucs pareils, c'est nul !

je suis amoureuse de fabrice luchini.

entre autres.

 

la main sur la barre, je repensais à mes tutus blancs. la main sur la barre, le contact du bois brun et je me revoyais avec mes pointes collophanées. j'appelais ça mes "boîtes de conserve" car c'est tout à fait le genre de chose qu'on a l'impression d'avoir au bout des pieds. des boîtes de conserve, oui, mais qui volent, qui dessinent des traits plus clairs sur le parquet, des envolées plus fines dans l'air. on fait bien faire n'importe quoi aux gamines de dix ans. ce n'importe quoi là, je l'ai aimé plus que tout alors. j'étais un peu folle et je savais déjà, le temps qui passe et qui ne revient pas. le matin lorsque le réveil sonnait, je comptais les jours, j'avais peur qu'ils m'échappent. dans mon lit encore chaud avant de me lever j'écoutais la radio un moment. c'était presque toujours la même chanson de REM à la radio, celle qui s'appelait "losing my religion". et puis papa montait les escaliers pour venir m'embrasser. je lui disais, tu sais papa aujourd'hui j'ai fait le compte, à gauche ce qui est bien, à droite ce qui m'ennuie. et sur ma main gauche j'énumérais : revoir mes amis, faire une rédaction en classe, jouer à la révolution française pendant la récré (moi j'étais camille desmoulins, je courais partout brandissant une feuille bien verte en ralliement), manger une part de gâteau au chocolat au goûter, rentrer à pied avec aure le soir par le petit raccourci dans les bois. sur ma main droite aussi je comptais consciencieusement, je faisais la liste des contrôles de maths, des garçons débiles qui allaient jouer au foot, du nombre de choux de bruxelles qu'on allait me faire ingurgiter de force à la cantine. je m'arrangeais toujours pour qu'il y ait plus de choses positives que négatives, et puis je sautais du lit. je filais sous la douche.

j'allais à l'école au haut de la rue. je détestais les cours de sport, les tours de stade à courir comme des idiots. j'étais souvent malade. j'avais déjà les cheveux longs. ma soeur ressemblait à un petit clown, elle était aussi maladroite et volubile que j'étais souple et calme. je parlais peu aux gens. j'écrivais des histoires de rien du tout dans des cahiers, au crayon de papier. j'étais très fermée, très exclusive et déjà peut être un peu mélancolique, je traînais derrière moi des tas de bons points et de réputation de première de la classe, mais pourtant j'avais des tas d'amis. aure, ju, nos codes secrets, tacites. j'étais invitée à des anniversaires tous les samedis, on faisait des bulles de savon, des jeux idiots et bienheureux, ils couraient tous partout et moi j'étais toujours un peu en retrait, j'aimais parler avec C parce qu'il était nouveau, il avait les yeux bleus et il était fort en maths alors j'étais impressionnée. j'étais abonnée à sciences et vie junior, je faisais des expériences de chimie tous les dimanches après-midi. je voulais apprendre des tas de choses. je voulais lire tout victor hugo. je m'imaginais à vingt ans et je me disais, je serai belle, je serai bien, je mènerai ma vie comme une héroïne de roman, avec la confiance apparente des gens qui savent où ils vont...

hum...

je ne sais pas où je vais. je n'ai jamais su, exactement. tant pis. on fera comme si. on fera comme tous ces gens qui font comme si aussi.

...

en kimono blanc sur le lit. je lis mishima, kawabata, un autre auteur japonais avec un nom en a. l'éternel poudré de la neige. je suis tellement fatiguée, tellement à bouts de nerfs et de sommeil que j'ai l'impression de me prendre les mots en pleine figure. il faut. c'est la seule chose qu'il faut. la révolution intérieure entre les mots. même infime, même transparente. une esquisse de mouvement vers quelque chose de toujours différent.

...

je suis tellement peu satisfaite de ce que j'écris que je vais finir par faire un journal en plusieurs versions, plusieurs reflets de la même journée, en espérant que l'un au moins parmi tous sera le bon. c'est absurde. tant pis. j'avais aussi l'idée un moment de faire un journal double, bilingue, dans l'espoir d'arriver à cerner la même journée sous deux sensibilités différentes, celle de mon rapport au français, sa sonorité, et celle de l'anglais, sa terrible sensualité. hum. j'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi j'ai tellement mal de me mettre à écrire. dilemme : peut-on continuer longtemps à écrire pour ne rien dire... ? (arf, c'est pathétique)

je me suis endormie entre les belles de kawabata. toutes lumières allumées. j'ai rêvé longtemps, une maison sous le vent et une voiture verte, le pierrot lunaire avait des yeux de verre, il me prenait la main, je voulais qu'il se taise mais qu'il me parle toujours, dans mon rêve il avait une voix de violoncelle, un truc surréel comme pris entre deux pages et dans ma tête je gardais le souvenir de cette phrase "philippe qui mange sa macédoine dans une assiette, une assiette en carton."

à mon réveil, il était minuit.

avant - journal - écrire - après

je suis un fils du solfège, je monte la gamme et je redescends
dans mes poches il y a des bémols, des dièses, des temps et des contre-temps...

- ph. châtel, "émilie jolie" -

 

 

 

 

 

/font>