breathing under water...
... living under glass

(un journal online)

 

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31-08-01

tous ces yeux penchés sur mon épaule...

nouvelle aube. j'entrouvre la fenêtre pour prendre l'air. un air limpide, presque liquide, qui inonde la chambre d'un coup. c'est toujours la même chose aux petits matins, l'effacement progressif de la nuit dans un état de conscience aiguisée qui me donne le vertige. c'est comme être éternellement projetée contre la face du monde.

sur le haut du toit, des tourterelles roucoulent. je cours partout dans la maison, tenant à la main mon étole et mes chaussures de petit chaperon rouge.

en sortant, apercevoir la petite voisine qui revient à pied de la boulangerie, faire fi de son retard pour courir lui souhaiter le bonjour.

miaou !

rechercher un appartement à paris ces jours-ci relève de l'absurde le plus complet. l'attente aux petites heures sur des trottoirs froids, les cinquante personnes qui se pointent comme des fleurs pour visiter un misérable bout de moquette, l'impression légère d'être en colonie de vacances, de passer un examen ou d'attendre à la sortie d'un aéroport. trop de monde, pas assez de confiance, l'ennui sisyphien de l'éternel recommencement en prime. heureusement, j'ai des bouquins plein les poches, et L fournit les viennoiseries.

assise en tailleur à lire hotel iris, de yoko ogawa. la jeune fille en pantalon marron à côté de moi lorgne par dessus mon épaule. je la sens rougir. elle détourne la tête, chuchote quelque chose à l'oreille de son amie.

"mes oreilles étaient tordues, mes seins écrasés, ma bouche à demi entrouverte et je n'arrivais pas à la fermer. les poils du tapis qui me blessaient les lèvres avaient un goût amer..." pur sado-masochisme japonais, un vieillard élégant et une nymphette du bord de mer. le même livre serait américain, on en pleurerait de rire. mais dans l'exigence terrible de la mentalité japonaise, de l'écriture japonaise, la souffrance est splendide, la déviance parfaite. on pense à mishima (terrible bonhomme), à l'empire des sens. la jeune fille en pantalon marron me regarde bizarrement. irrésistiblement, pourtant, son regard revient vers mon livre.

il pleut. de grosses gouttes noires s'écrasent sur l'asphalte. odeur du bitume qui remonte. gerbes bleues soulevées par les voitures. je respire à pleins poumons. les gaz, le parfum de L, la pluie, tout m'est bon. le patron de la boutique devant laquelle nous attendons nous fait signe d'entrer nous mettre à l'abri. c'est un gros bonhomme jovial. il a un costume mal accordé et des lunettes rondes. il n'arrête pas d'entrer et sortir pour nous demander notre avis sur sa nouvelle carte de visite, son enseigne, l'agencement de sa vitrine. (tant que ça n'est pas sur ses lunettes...)

plus tard, dans le train. je me suis endormie un moment. de temps en temps je me rendais compte que je n'entendais plus le long sifflement des rails, de la pluie sur les carreaux, et je me réveillais. la dame à côté de moi lit un livre à couverture rouge où je surprends cette phrase : "je me demandai alors si faire l'amour avec lui avait été un bon moyen de parvenir à mes fins." je me pose des questions. est-ce que faire l'amour n'est pas déjà une fin en soi ? est-ce que ça n'est pas, plutôt qu'une projection en avant vers quelque chose d'autre, un irrésistible retour à soi, à sa chair, la chair de l'Autre, la fusion première, évolutive à l'envers, un nid dans le blanc premier de la mère... je note ça dans un coin de ma tête avec la mention spéciale : à suggérer aux collections harlequin. hum.

...

tous ces yeux penchés sur mon épaule... présence connue, devinée, ou blanchie dans l'anonymat complet. tous ces yeux sur mon épaule. tous ces yeux sur mon épaule, qui vont et puis qui viennent, ces yeux sur mon épaule, vos yeux, bruns gris verts rouges ou bleus. merci.

...

pj harvey, thom yorke. j'écoutais ça en turquie parce que je me souvenais d'avoir lu quelque part (quelque part ?) qu'il aimait cette chanson, horses in my dreams... et même s'il ne l'aimait pas vraiment, s'il n'avait fait qu'en mentionner le nom, c'était assez pour m'avoir marquée à blanc, assez pour que je me persuade que la seule chanson qui pourrait remplir son silence alors, c'était ça, c'était ces chevaux volants au vent dans les rêves d'une poupée aux yeux noirs.

 

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ces filles balsamiques, mellifluentes et gorgonales...
- l'énervé -

 

 

 

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