jeudi 4 avril 2002
elle a les yeux clairs, les cheveux foncés, la peau très blanche. un corps d'enfant, un prénom impossible. elle aime la musique forte et conduire très vite et parler aux gens qu'elle ne connaît pas et puis aussi corner les coins des pages des livres. des livres qu'elle emprunte à la bibliothèque du quartier, ou qu'elle achète, toujours un peu au hasard, dans les librairies du boulevard saint-michel, avec l'argent que sa mère lui donne pour faire ses courses. elle fume beaucoup. elle ferme ses mains comme des fleurs sur ses cigarettes. le soir, tard, elle me raconte son histoire. elle dit : on se retrouvait dans la rue, on se faisait la bise, on ne se touchait pas, on allait très vite chez moi, et on faisait l'amour. je n'aimais pas trop ça. mais j'aimais son odeur. je lui demande : quelle genre d'odeur. elle me dit : une odeur d'assouplissant. une odeur légère, mais tenace. et puis l'odeur de son corps, l'odeur douce. je lui dis : je voudrais pouvoir te filmer en train de raconter cela. et puis aussi, l'histoire, ton histoire, l'histoire de la jeune fille douce et du jeune homme silencieux, je voudrais pouvoir l'écrire. elle me dit : oui, d'accord. je lui dis que ça va être difficile. que pour l'écrire, il va falloir que son histoire devienne la mienne. qu'il va falloir que je la porte toute entière dans mon corps. elle dit : oui, d'accord. je lui dis aussi qu'il va falloir parler du désir, de la vie, de la mort. de ce secret que les très jeunes filles portent en elles et qui est la clé de l'histoire : le désir, la vie, la mort. elle a les cheveux dans les yeux, un peu, des yeux très bleus. elle me dit : oui, d'accord.
le soir, Y me demande : marguerite duras, c'est
bien elle qui a écrit l'indochine ?
oui oui lui dis-je, l'indo de chine du nord.
avant - journal - blog - écrire - après