breathing under water...
... living under glass

(un journal online)

 

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9 février 2002

j'ai acheté des fleurs (rouges) et je les ai portées à émilie. il pleuvait. j'allais dans ma petite ville froide sous mon parapluie noir. la grande porte de fer forgé grinçait sur ses gonds. au loin sur le bas de la colline, vers la rivière, on brûlait des herbes en de grands feux noirs qui sentaient la poussière. j'étais triste, et je souriais pourtant car je me sentais forte, et je serrais les fleurs (rouges) très fort sur mon coeur en marchant jusqu'à elle sur le gravier crissant.

musique (classique). the secret history, de donna tartt, pendant toute la nuit, jusqu'au petit jour, qui se découpe très rouge dans l'encadrement de la fenêtre. au matin, papa est venu me dire aurevoir. il prend l'avion ce soir. il m'a laissée dans le sommeil trouble et sourd d'une nuit trop courte, ombrée de rêves en langues anciennes et de neiges blanches et éternelles. je me suis rendormie avec le jour et le flottement doux de son parfum sur mes cheveux.

les fleurs (rouges) serrées sur mon coeur, marchant sous la pluie sombre. hier, au téléphone, cécile qui s'emporte : soit tu vas à la fac et tu n'es plus malheureuse, me dit-elle, soit tu écris vraiment et tu n'es plus malheureuse non plus ! à table et sans préavis, je déclare à mes parents que je veux être enterrée dans le petit cimetière de D, entre le château médiéval et les forêts sans fin, au bord de la rivière où je me baignais enfant et encore chaque été, quand pour la saint roch toute la famille se réunit dans la maison aux volets rouges, aux mille secrets d'enfants, avec les lavoirs blancs où l'on chasse les grenouilles, les prés ouverts, inclinés sur les collines, l'herbe douce qui s'enchaîne aux cheveux, allongés pour regarder les étoiles filantes dans le calme mêlé du murmure de la nuit et des ruisseaux qui chantent.

j'ai acheté des fleurs (rouges) et je les ai portées à émilie. il pleuvait. je me suis assise sur le bord de la pierre et je lui ai parlée. je lui ai dit le manque et la peur et la folie de rester vivant, toutes ces choses qu'elle ne saura jamais. je lui ai dit la pluie et le froid et l'odeur des feux au bas de la colline, comme j'aime revenir dans la petite ville de mon enfance où habitent encore mes parents, même s'il n'y a plus personne, même si l'école a changé, tout autour des jardins où l'on jouait de grandes grilles ont poussé, aure ne fait plus de fêtes dans sa grande maison de la rue des peupliers, il me semble que les murs des maisons sont plus hauts et plus abîmés, je crois que le temps a passé. il pleuvait. j'étais triste, mais je ne pleurais pas parce que je me sentais forte, forte de ça, de nos souvenirs heureux, et puis aussi de ce que j'avais juré (comme une enfant), lorsqu'ils l'ont fermée sous la pierre trop lourde, lorsqu'ils l'ont couchée dans la terre, émilie aux yeux bleus la veille de ses vingt ans, lorsqu'ils l'ont fermée sous la pierre trop lourde en plein été brûlant, j'avais juré, en silence, comme une enfant, désormais je vivrai pour deux.

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