l'immédiate
journal d'O. |
lundi 8 juillet 2002 j'ai vidé tout mon appartement. j'étais heureuse de partir. je n'en pouvais plus de cette caisse à souvenirs, cette perpétuelle sensation d'être en transit dans ma propre vie. j'ai besoin de vivre seule. j'ai besoin de me retrancher encore, avec mes livres, avec moi-même. dans l'escalier, en partant, j'ai croisé la nouvelle locataire qui montait avec sa mère. elle a levé vers moi ses yeux violets et puis j'ai cru mourir de peur. des yeux violets brillants et comme remplis d'étoiles. des yeux malades, des yeux morts. tout son corps recroquevillé qui refuse le soleil, ses cheveux de foin sec, sa peau grise d'albinos. elle a levé vers moi ses yeux violets morbides et puis j'ai cru mourir de peur. je descendais comme une idiote avec ma jupe qui vole et mes chaussures qui claquent, j'étais au téléphone les bras chargés de paquets, je riais, et puis soudain ses yeux violets et comme remplis d'étoiles mortes, j'arrivais un peu trop vite, elle a perdu l'équilibre, je l'ai vue chanceler chercher du bout des doigts la rampe de l'escalier. sa mère était en bas, une grande blonde dégingandée avec un nom allemand, elle était venue déjà visiter l'appartement elle m'avait dit : ma fille est d'une fragilité insensée. j'arrivais un peu vite ses yeux terribles de monstre ou de sirène elle est restée un instant en équilibre tout son corps impossible emporté en arrière, j'ai tout lâché soudain j'ai avancé ma main pour l'empêcher de tomber. |
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