breathing under water...

(le journal d'ophélia)

samedi 15 juin 2002

dans mon yearbook il y a des textes et des photos qui m'arrachent encore des fous rires et des larmes. comme ils sont beaux, tous, les filles aux cheveux blonds longuement bouclés au fer, les garçons en cravate, leur sourire impeccable, comme ils sont beaux ils affichent la même décontraction facile, la même assurance folle, ils roulent en voiture neuve ils partent en vacances au mexique, et moi aussi cette année-là, comme ils sont beaux sur le papier glacé du souvenir, la douceur sucrée sépia des photos, kellie johnson avait des yeux immenses et une blondeur parfaite - tout le lycée gardera cette image d'elle, l'image froide et superbe d'une actrice hitchcockienne, quand j'arrivais en retard le matin dans ma classe d'histoire américaine elle commençait à peine à poser sa première couche de vernis rouge, je m'asseyais discrètement, Mrs B parlait de marilyn monroe elle disait : now listen kids, she was a pretty pretty girl, plus tard dans un couloir j'avais trouvé kellie pleurant je l'avais consolée, elle était belle toujours avec ses boucles froissées et si vivante soudain, si présente et si pure, quand j'étais triste aussi elle m'emmenait en voiture, elle confondait les essuie-glaces avec le klaxon elle roulait bien trop vite, on allait quelques jours dans sa maison au bord du lac on mangeait des cookies on se baignait et puis on lisait ee cummings, bien après quand je suis rentrée en france et que l'on a osé me dire que tous les américains étaient superficiels je me suis mise dans des rages folles, je me souvenais d'un cours sur un type au nom impossible (Korzybski), quelque chose qui disait que la réalité n'est jamais que la fenêtre, le cadre par lequel on regarde le monde et rien d'autre, rien d'universel, rien d'absolu, mais bien changeant selon chacun, quelque chose qui disait (je trouvais cela somptueux) : the map is not the territory.

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