breathing under water...

... living under glass

(un journal online)

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mercredi 14 novembre 2001

Il a découvert son journal voilà deux semaines. Elle a découvert qu'il avait découvert alors il n'y a plus jamais mis les pieds ni les yeux. Aujourd'hui, il est meurtri, alors il y retourne. cette fois il veut parler, alors il écrit.

Il est loin. Il est sur l'autre joue de la Terre, lorsqu'au milieu coule une rivière, un océan de poissons qui se fichent bien de savoir la compleXité des Humains et la dynamique des sentiments qui dictent chacun de leur mouvement -alors plus tard, il veut être un poisson. Il est si loin, et Elle s'ennuie tellement de lui. C'est ce qu'Elle lui dit, qu'elle ne Vit plus qu'à moitié depuis qu'il est parti. Elle a tout Paris au bout de ses doigts, Elle a son L., ses Amis et ses amis qui gravitent autour d'Elle, ses liVres qui ruissellent dans ses bains brûlants qui sentent si bon le chocolat, ses cours à l'université où l'on apprend à faire l'élevage d'anadiploses. Elle a Tout. et Tout est Bien. mais il est loin, alors elle laisse la pluie rentrer et faire des étincelles brunes sur les plis de son esprit. Ophelia s'ennuie.


Elle entretient cependant des contacts très internétiques avec son frère du verbe, énervé de surcroît, le fabuleux J.A.. Et les mots glissent et les mots fusent, et tous deux construisent chaque jour un peu plus un uni-Vert qui tourne lentement au rouge absolu. L'ennui de l'absence de moi catalyse la réaction. et bientôt on entend le déclic : 'clic !'. Elle donne rendez-vous à J.A. dans le bleu de la nuit tombante sur Dimanche, au beau milieu de la place Saint-Sulpice. Leur sang bouillonne de tous ces mots si chauds qui étouffaient dans le froid de leurs communications numériques. Elle est belle, elle est jeune et folle, et bien souvent inconséquente - Elle aurait voulu naître il y a cent ans et s'appeler Oscar Wilde : Rien de tout ce qui arrive réellement n'a la moindre importance. Alors elle cède aux yeux verts de J.A., non plus dans les mots, mais dans les bras, dans la bouche, dans les draps.

Lui -son nAmoureux officiel- vient de recevoir sa première lettre d'Elle depuis trois mois. Alors il court danser avec les écureuils, il court grimper à l'arbre le plus haut des alentours, c'est ce qu'il lui avait promis. Tout est si Bleu. Mais en haut de cet arbre, il sent ce vent qui vient de France, ce vent qui porte sur ses ailes des paroles que jamais il n'aurait souhaité entendre, il tend l'oreille. il la tend toujours un peu plus profond. Si bien qu'il se casse violement la gueule par Terre. Les couleurs coulent autour de lui, le monde crépite et s'effrite et, tout d'un coup, vole en éclat. Le Vert des arbres, le bleu de la voûte céleste qui n'avait pas de fond, pas de fin, le décor arc-en-ciel qui tenait debout si bien, tout cela fond verticalement sous l'effet de la gravité, et soudain il patauge dans une masse informe brunâtre nauséabonde, lui qui ne se nourrit que de couleurs et d'ambroisie, oui soudain il se retrouve brûlé à vif par la noirceur de l'Erèbe.

Il ne respire plus.

Il se consume de l'Intérieur.

Une éternité passe. puis deux, puis trois…

Alors il se souvient qu'il se consumait déjà de l'Intérieur avant de tomber la tête en avant dans le néant. Il se rappelle que la Vie est trop courte, trop Belle, pour se consumer de l'Intérieur deux fois en parallèle. Alors il se réveille. Il se relève, titube, chancelle. Il laisse le miracle de la Vie reprendre en lui…

Il n'est plus seul désormais, il faut compter avec Dolores. Il était vierge de la douleur et maintenant il la sent ravager son Intérieur. Les couleurs reviennent mais le sang coule de ses Beaux chevaux bleus : Elle a saigné à blanc ce qu'il avait de plus précieux. son amour d'Elle. Elle a piétiné les valeurs auxquelles il tenait le plus. Ces valeurs qui ne se disent pas parce qu'elles n'existent pas pour ceux qui ne veulent pas les voir de peur de s'y brûler les yeux. Le Respect et l'Intégrité n'eXistent pas, mais il y croyait. Alors elle lui a fait très mal. Elle a brisé une de ses poutres à l'Intérieur, une de ces poutres que l'on ne fabrique plus aujourd'hui chez les Humains. Et il ne brillera plus tout à fait de la même manière désormais. Phénomène irréversible. La deuxième loi de la thermodynamique déborde trop de son domaine d'application parfois. Et l'entropie croît , croît, croît. et trouve son chemin jusqu'à l'Intérieur de moi.

Aujourd'hui, alors qu'il emboîtait le pas à ses amis les écureuils urbains, alors que pour la vingt-huitième fois il était en retard pour son cours de principlesofmanagementforengineers, alors qu'il pressait le pas un pied sur l'herbe un pied sur le béton, il pensait à Elle, se demandait si elle était complètement folle, ou juste sadique jusqu'au bouts de ongles de blesser si cruellement celui qu'Elle aimait. Il repensait à tout ce qu'Elle lui avait dit la veille au téléphone, combien elle l'aimait, combien elle l'estimait, combien cette histoire avec J.A. n'avait pas la moindre importance sinon pour Elle, du moins pour Nous. Oui, mais tu Nous as trahi jusqu'à la moelle des os ma chérie. C'était la première fois qu'il entendait sa voix au téléphone depuis trois mois, alors lorsqu'il fixait l'air qui s'étalait entre lui et la Terre, il revoyait son visage glisser contre le sien. Et soudain, il aperçu des marguerites qui le regardaient d'un drôle d'air. Alors il se souvenait de ce 1er juin 2000 où il avait déposé devant sa porte un cosmos pourpre, du chocolat éclat noir, une lettre bleu-muji et trois marguerites coupées. C'était le début du grand partage du Tout, tu te souviens ?

Elle est partie en Allemagne. Ce matin Elle était rouge-colère parce qu'elle n'avait plus accès à son journal. Elle a dit qu'elle l'aimait au-delà de Tout, lui qu'elle estime capable de passer outre le 'détail' de la trahison. Puis elle est partie. partie constater le miracle de la Vie, la venue au monde d'un nouvel Humain. Ce nouveau-né deviendra-t-il un jour comme lui, a lifeless object aliVe ?

Il est déchiré, sait-Elle seulement çà ? Il est déchiré, oui, mais il est là, il n'a pas l'éternité devant lui -juste la Vie- alors il sourit. et il a comme une enVie de chanter Roxane sur un ton suraigu, assis sur l'évier de sa cuisine…

N.

(le Jeu, éternellement ;-)

Il n'y a rien de bon ni de mauvais sauf ces deux choses :
la sagesse qui est un Bien et l'ignorance qui est un mal.
Platon, Euthydème, 281e




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