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... living under glass

(un journal online)

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jeudi 29 novembre 2001

comme vous seul avez le savoir de le faire

la première phrase, c'est toujours la plus dure. je veux dire, c'est la première, celle qui ouvre la danse, donne le ton, le tempo, la couleur. la première phrase c'est la structure. l'écriture à venir. on écrit : aujourd'hui j'ai été boire un thé avec K au loir dans la théière (c'est un petit café dans le marais, X n'aime pas trop). non ça ne va pas. on efface, on écrit : paris sous la pluie, l'arbre au fond de la cour a changé de couleur pendant la nuit. non non non et non. ça ne va pas non plus. alors ? la première phrase, c'est une reine amazone. elle fait la loi, elle règne sur toutes les autres. le reste du texte n'a qu'à bien se tenir. c'est une enfant gâté, une élue. elle veut décider de tout, et jusqu'au bout.

aujourd'hui j'ai été boire un thé avec K au loir dans la théière. (c'est un petit café dans le marais, X n'aime pas trop). paris sous la pluie, l'arbre au fond de la cour a changé de couleur pendant la nuit. je dis à K, peut être que c'est comme ça, on donne un ton, un tempo, une couleur à sa vie dès le début, quelque chose que l'on choisit et auquel on doit se tenir jusqu'au bout. elle sourit. elle se penche sur son thé, souffle dessus pour le refroidir (ces trucs là ne marchent jamais), et puis elle dit, il y a comme une odeur qui stagne. elle cherche laquelle, elle finit par la nommer comme elle a le savoir de le faire, elle dit : une odeur d'héliotrope et de cédrat.

je la regarde un peu bizarrement. K est une fille un peu étrange parfois. elle attache son pull avec une grosse épingle à nourrice, elle parle danois, elle est très exclusive, très élusive, elle vit dans l'attente un peu folle de quelque chose qu'elle ne saurait pas nommer pour autant, un mode d'emploi à la vie, une raison à sa mélancolie.

je la regarde, elle a les joues pâles, les yeux bleus, je la regarde et soudainement elle m'est lointaine, distante, étrangère, en même temps je ne me suis jamais sentie si proche d'elle, je la regarde j'ai un besoin irrésistible de la vouvoyer, je lui dis :

c'est comme vous voulez.

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