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... living under glass

(un journal online)

 

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19-09-01

vouloir vivre sa vie comme on l'entend : en musique...

le fil du téléphone entortillé autour des bras comme une collégienne. tu sais, dit maman, le pire vraiment c'est de vivre sa vie sans avoir de passion. je la regarde. elle a les mains blanches de farine. tu crois ? il y a des tas de fois où je me dis que j'aurai du pousser plus loin certaines de mes "passions". la musique, la danse. et l'écriture ? demande-t-elle. oh, (geste évasif de la main), non, plus vraiment, enfin, je ne sais pas. qu'importe au fond, la passion est dans le moindre instant, elle est dans le moindre de mes mouvements. ce léger balancement en avant, cette imperceptible envolée vers les choses.

ce qu'il faut, c'est vivre sa vie comme on l'entend. avec une jolie musique.

cette petite fille métisse dans la salle d'attente. elle joue avec de gros cubes rouges et verts. elle dessine avec des feutres et puis s'essuie les mains sur sa belle robe blanche. son papa la gronde, avec le sourire. elle revient vers lui, l'air de rien, et plonge sa tête dans son blouson, en pleurant un petit peu parce qu'elle a mal, mais pas trop.

mon médecin fou, tout fier de son nouveau joujou : un gros imac bleu. au bout d'un quart d'heure de bataille ferme avec la machine, il éteint tout et prend son plus beau stylo, un porte-plume rouge safran, pour me faire mon ordonnance de sa belle écriture déliée.

pluie grise, odeur des cheminées. je me souviens de cette librairie sur la plaza de kansas city : rainy days bookstore. ryan et rachel ont emménagé juste à côté l'été dernier. une maison ancienne, au moins 80 ans ! j'adorais ryan parce que rien ne l'embêtait jamais, tout lui était facile. il venait au country club avec sa casquette de baseballer, était revenu d'arizona spécialement pour mon anniversaire. rachel était insupportable avec lui. étant au moins tout aussi insupportable qu'elle, je me disais qu'il me faudrait un garçon comme lui. logique.

souvenirs des états-unis, splendides. la première rencontre avec ma famille, reconnue parmi cent dans la foule, couru comme une folle jusque dans leurs bras. la grande maison blanche dans la verdure. mom et ses cinnamon rolls du matin. l'été indien. les radios de campus. aileen très blonde qui mélangeait les essuie-glaces avec le clignotant. aileen très belle qui depuis le premier jour, ce jour où j'étais montée sur scène leur dire pourquoi j'avais décidé de vivre ça, avait collé un sticker carpe diem sur mon casier. l'odeur de l'orage dans l'air, l'annonce de la tornade au pays du magicien d'oz. april et ses amis belges qui descendaient de voiture aux feux rouges demander les numéros de téléphone des fille d'à côté. noël, les nuits blanchies de neige, j'écoutais trop de musique je prenais trop de bains je lisais trop de livres j'écrivais trop de choses dans mes gros cahiers à spirale, j'étais folle je n'ai jamais été aussi bien. les cafés concert avec jackie, le retour dans la nuit, radiohead scintillant. debout sur les échafaudages de l'auditorium à peindre des arcs-en-ciel. mrs baird qui faisait exprès de me demander mon avis sur la peine de mort après les exécutions texanes. mom, mary et leur confiture de tomate verte. jae au piano dans le silence du soir. les margaritas de dad dans le hottub. les parties de tennis sous la pluie. ryan qui me donnait des leçons de cuisine assez catastrophiques. les weekends au lac, ski nautique et barbecue. la fois où j'ai déclenché toutes les alarmes de la maison et dans les dix minutes suivantes les flics débarquaient à pleines sirènes, on se serait cru dans un film. amy tous les matins qui passait me prendre dans sa voiture rouge. l'odeur de soupline downy. les voyages jamais prévus à l'avance en louisiane, à chicago, denver, atlanta. les plages du golfe du mexique, cécile qui chantait françoise hardy. j'étais partie me baigner en plein orage avec un canadien que je ne connaissais pas. trevor qui revenait d'harvard, cent cinquante personnes dans une maison, avec m-l on allait dormir sur le toit. m-l c'était quelque chose, ma petite marquise belge, il n'y a personne qui m'ait autant touchée qu'elle, dans sa facilité souriante à approcher la vie. elle gardait toujours ce léger décalage avec le monde, cette aristocratie superbe des filles de bonne famille qui a rompu tout traditionnalisme et ne se décale que pour mieux embrasser. je portais des pulls blancs, des rubans dans les cheveux, j'arrivais toujours en retard, je dormais tellement que toute la famille de mom m'appelait sleeping beauty. c'est là, dans ce village indien au fin fond du texas, que j'avais écouté pink floyd pour la première fois. plus tard, avec cécile et les copains de son frère, quand ils branchaient leurs guitares au fond de la nuit. il y avait tom qui était très brun et qui était très mien. la nuit, on allait se promener dans le parc, près des fontaines, au beau milieu de la ville endormie. on mangeait de grosses glaces du dairy queen. je grimpais dans les arbres, on sautait dans les fontaines. il y avait un endroit au milieu de nulle part où de gros hauts-parleurs dissimulés dans les arbres diffusaient de la musique classique toute la nuit. je ne disais rien, je pensais, il faut vivre sa vie comme on l'entend : en musique.

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