breathing
under water... (un journal online) |
|
|
01-09-01, bis so what ? "- oui mais toi de toute façon, tu vis dans ton monde." la phrase est tombée d'un coup. j'en suis restée abasourdie. j'ai l'habitude, pourtant. j'ai vraiment l'habitude de ce genre d'accusation. car c'en est une. je n'en fais qu'à ma tête, je ne veux pas travailler, je ne veux que lire et écrire et partir en voyages, évidemment, hein, ça ne plaît pas à tout le monde, on dit oh ça passera, quand elle se sera rendue compte qu'on ne vit pas si facilement, quand elle se sera rendue compte que la vie est dure. dure ? la vie n'est pas dure, elle est intolérable. et magnifique. oui monsieur, les deux en même temps. je ne me rends pas compte ? je me rends trop compte. trop compte des systèmes, et trop compte des modèles. et je ne souhaite en aucun cas y adhérer. excusez du peu.
|
oh, pas de fausse rébellion post-adolescente, merci. pas de coups, pas de cris. j'ai toujours joué les intellectuelles, j'en ai fait ma carapace protectrice, mon armure à tout vent. ironie du sort. on me fait un reproche et moi j'en fais mon nid. mon mythe. ma défense première. parce que c'était mon seul choix, ma manière à moi de prendre tout à contre-pied. c'est l'étiquette que l'on me colle ? je vais en rajouter un peu, ce sera encore plus drôle. chaque attaque de l'extérieur, je l'esquisse avec une pirouette, en jetant deux trois mots idiots qui me donnent l'air d'une illuminée, les gens hochent la tête, me voilà tranquille. c'est une intellectuelle, oui, monsieur, elle vit dans sa bulle. tu parles que je vis dans ma bulle. parce que je dis des tas de bêtises, parce que j'ai toujours la tête en l'air, parce que je me fiche de mes comptes, de mon budget, de toutes ces choses dites terre-à-terre, parce que je dis haut et fort que je n'envisage vraiment pas de travailler, parce que je n'en fais qu'à ma tête et pousse toujours aux limites de la liberté... on me regarde, on hoche la tête, et on dit, comme pour m'excuser, c'est une intellectuelle, oui monsieur, elle vit dans sa bulle. et bien peut être. mais dans ma bulle à moi, on a banni la mauvaise foi. l'élève sartre au tableau s'il vous plaît. ma liberté ? c'est un mot qui ne veut rien dire, alors elle est totale, j'en ai décidé ainsi. ma liberté, c'est mon flambeau. elle m'illumine de l'intérieur. elle me brûle aussi. j'ai ruiné mon année d'hypokhâgne en partant en vacances en plein milieu d'année parce que je les vomissais, tous ces petits intellectuels diplômés qui ne sont pas capables de vivre leur pensée. j'ai pris le premier train en toute conscience de mon acte. je me rayais des listes élitistes. je me mettais hors-jeu. ce sont les choses que l'on m'a dites pour me faire revenir. je leur ai ri au nez. j'ai fait mes bagages et je suis partie et tant pis si je ne suis jamais normalienne. m'en fiche si on me prend pour une folle. je mériterai peut être mon prénom. je ne vais pas céder. je ne vais jamais céder. on hoche la tête on me dit que je vis dans un autre monde ? je n'ai jamais été si proche de ce monde-là. je prends des airs légers, je ris beaucoup et j'ironise parce que j'ai mal de ce monde-là, parce que je n'ai jamais rien senti, rien compris autant que ce monde-là. intuitivement, d'un seul coup. la planète en intra-veineuse. ce léger décalage que je laisse entre le monde et moi dans mon apparence extérieure, mon attitude publique, cette fameuse ironie, cette pseudo-intellectualité, c'est ma dernière barrière pour ne pas être dévorée toute crue. alors peut être que je joue trop bien mon rôle. peut être que je joue trop bien les frivoles, les jeunes folles. peut être bien. mais au fond, tout au fond, c'est terrible ce qu'il y a tout au fond. il y a la rage pure. il y a la colère, l'énervement. il y a le rouge sanguin, l'énergie solaire. toute ma vie je vais garder le rouge en moi. toute ma vie je vais brûler du fond du coeur. ils m'ennuient, ces hochements de tête, ces airs accusateurs. ils se trompent de cible. la vérité ? la vérité c'est que ma liberté, mon excessive liberté les étouffe. ils en sont malades de jalousie. ou apeurés comme des lapins. c'est pareil. je m'en fiche. j'ai vingt ans. ça se sent, non ? alors oui je vais vivre dans mon monde. et mon monde, c'est bel et bien celui-ci. cette effroyable petite chose où tout tourne carré. pas la peine de se voiler la face. je vais vivre dans mon monde et je compte bien y vivre comme je le veux. je n'ai pas besoin d'être rassurée par des dieux, des cartes de parti. je n'ai pas besoin de collectionner des bons points, des diplômes. je sais très bien où je vais, qui je suis, et ce que je veux. je sais très bien les systèmes, les rouages, les modèles de la société moderne. je les connais par coeur et c'est ma première arme. et qu'importe, si je fléchis, si je tombe ? et qu'importe, si je perds tout en chemin ? le rouge, mon coeur, le rouge des baisers que je pourrais toujours te donner. avant - journal - écrire - après offre ta soumission.
|