breathing under water...
... living under glass

(un journal online)

 

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22-09-01

baroque

robe noire, parfum lourd, étourdissant. je vais dans la vie avec le poudré d'un rouge aux lèvres. j'ai déjà écrit ça quelque part, non ? des jours d'automne et de pluie fine. volupté, présence au monde. je croque dans des prunes très vertes qui éclatent sous mes lèvres. je crois qu'il lit ce journal. est-ce que tu lis mon journal ? est-ce que tu...

hum.

princesse paranoïaque. j'écoute king crimson, mercury rev, the strokes. rien à voir, un voile de brume - bleue, la brume - sur mon monde. donne-moi tes mains. si tu lis ce journal donne-moi tes mains. tu te souviens de ce carousel de bois ? entre phare et carousel, pourquoi je reste dans le mouvant, la ronde infinie des couleurs ? je pense à la couverture rouge des livres de Bergson. ohlala il manque un vers orphique, là, et l'euphorie hermétique sera complète.

dis, est-ce que tu...

maman dans le grenier qui éternue sous des nuages de poussière. elle me sort des carafes, des coffres et des rideaux de velours. là, dit-elle, les lettres d'amour que ton père m'écrivait (plusieurs boîtes remplies à craquer). là, aussi, celles que je lui écrivais, moi (une poignée d'enveloppes retenues par un élastique). elle rit comme une adolescente. on ne dira pas que je ne lui ressemble pas. tout à l'heure dans la cuisine, à essayer de me prouver l'efficacité évidemment supérieure de son produit vaisselle sur tout autre, brandissant ledit produit comme dans un spot publicitaire, et le fou rire immédiat qui monte. la futilité superbe des petites choses. ma mère ne vieillira jamais. ma mère ne prendra jamais une ride, jamais un seul pli, ma mère est éternelle.

toujours eu une vie parfaite, splendide, hors du commun. des parents exceptionnels, de ces parents qui vous aiment et vous suivent et vous accompagnent, vous laissent goûter à la vie pleinement, librement, vous laissent suivre les chemins qui vous appellent en vous suivant de loin en loin, toujours présents jamais étouffants, juste bienveillants. toujours eu une vie parfaite, oui, des amis qui comprennent sans les mots, dans le très pur partage de l'instant, à la limite du surnaturel, quand tout le reste s'est effondré, quand le monde entier tourne carré. toujours eu une vie parfaite, définitivement. des amours de roman, des moments hors du temps, des résultats brillants et cette conscience incroyable du temps...

alors oui, bien sûr, évidemment, il y a eu des moments de doute, des peurs terribles, des deuils, des souffrances. seule, je me serai sans doute effondrée. mais je n'ai jamais été toute seule. toujours eu une vie parfaite, splendide, hors du commun, parce que bien accompagnée. et puis aujourd'hui aussi il y a toi, toi qui me fait danser très rouge sur les plages et les carousels. toi qui m'embrasse comme un fou sous la pluie et moi je brûle, je deviens folle, j'ai envie de mourir foudroyée parce qu'après toi il ne peut y avoir que ça, une brûlure infinie qui se consume à vie, un long trait rouge dans le blanc du néant.

il est toujours de bon ton d'écrire sur son petit malheur. ses petites déceptions, ses grandes peines de coeur. le monde est tragique, j'en conviens. le monde est tragique, le monde est merveilleux. c'est pareil. la même douceur amère qui s'illumine différemment selon la lumière. au fond je me fiche que ça finisse. six pieds sous terre bientôt, la demoiselle O. six pieds sous terre moisie et oubliée, avec son bonheur et ses colères, ses bains moussants et ses chaussures de petit chaperon rouge. qui s'en souciera ? personne. mais dieu que j'aurais bien vécu. dieu que j'aurais pris plaisir, que j'aurais eu conscience de ma chance. dieu que j'aurais été heureuse, terriblement heureuse, de rester dormir dans tes bras quand dehors le monde des gens brillants, importants et redondants dansait sa valse effrénée.

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she acts like summer and walks like rain...
- train-