breathing under water...
... living under glass

(un journal online)

 

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27-09-01

l'éternelle nostalgie des amours à venir

il y en a qui se sont amusés à classer les diaristes en écrivains, et écrits vains. il y en a, c'est vrai. il y en a toujours qui n'ont rien compris. tenir un journal sur internet n'est pas un jeu facile, pas un hobby en plus. c'est un engagement envers soi, envers de potentiels lecteurs, envers le langage. c'est une exposition terrible, une exposition aux gloires comme aux critiques. une exposition à la fulgurance. c'est un tourbillon terrible que l'on ne maîtrise pas toujours. que je ne maîtriserai jamais. et alors ?

alors personne ne vit sa vie en héros. personne ne vit sa vie selon un scénario. personne. tout le monde essaie de se trouver une place, un nid à soi, un cocon dans le blanc du monde. c'est déjà un effort, une entreprise extraordinaire en soi. alors écrivains ou écrits vains, on s'en fiche. qu'on propulse houellebecq ou je ne sais quel personnage à la mode en tête de gondole. qu'on laisse les écrivains du moi et du monde profiter de l'espace blanc d'internet pour épancher leur liberté, qu'on nous laisse jouer avec les mots, la musique, le soleil.

quelques jours chez moi, à paris. une chambre rouge et blanche dont la seule fenêtre sur le monde n'est pas virtuelle, non, c'est même une bien belle fenêtre, haute et claire, qui déverse dans la pièce son flot de lumière. L a retrouvé Claude, son porte-monnaie. L fait partie de ces personnes qui feront toujours du monde un endroit plus agréable à vivre. L, comme moi, comme lui, aura toujours le sens des connexions. lire Tolkien avenue des gobelins, dire des bêtises à Cambrai, crier au loup dans le Gévaudan. éternellement.

...

T vient se faire nourrir. j'ai passé la journée à courir sous la pluie, avec des sacs en papier dans les bras et une chanson - toujours la même, qui donne la nostalgie des amours à venir - dans la tête. dans l'école de T il y a de drôles de panneaux : les sandwiches et boissons sont autorisés dans les salles de classe entre 23h et 6h30. il dîne avec nous et repart en cours. pendant ce temps L me parle des nouvelles frasques de son prof de français, dont je confonds toujours le nom avec celui de la station de métro La Motte-Piquet-Grenelle. Klo revient d'Egypte où elle a mangé trop de pois chiches. je lis Lautréamont et j'ai envie de vomir. tout à l'heure dans mon bain, j'ai confondu les battements de mon coeur avec les beats du bar branché d'en bas. il y a des fois, la vie ne devrait être qu'un grand poème surréaliste.

...

no place like home. je lis d.h lawrence à voix haute dans mon bain. j'hésite trois bons quarts d'heure entre une branche de raisin noir et une branche de raisin blanc et finit par prendre les deux. les grains éclatent dans ma bouche comme des gouttes de pluie sur la chaussée. j'ai déjà lu ça quelque part. le monsieur de l'agence telecom m'appelle madame et je le laisse faire, goguenarde (c'est un drôle de mot). le soir, j'empêche L de dormir en lui parlant de psychanalyse. j'ai envie de me faire couper les cheveux, mais alors, serai-je encore complètement moi ? je n'ai pas sommeil, je tourne dans mon lit, je pense à l'herbe insupportablement verte dans Pierre, ou les Ambiguités, je me relève pour aller lire des trucs sur le symbolisme littéraire, tourne en rond dans ma chambre, pense à l'oncle Fédor qui restera toujours le seul debout, et moi aussi, et puis L se réveille, m'appelle, me dis de venir dormir à ses côtés et je m'endors d'un coup, comme un bébé.

avant - journal - écrire - après

far down in her she felt a new stirring, a new nakedness emerging. and she was half afraid. half she wished he would not caress her so. he was encompassing her somehow. yet she was waiting, waiting.
- d.h. lawrence : lady chatterley's lover -