l'immédiate

journal d'O.

dimanche 18 août 2002

et le garçon aux cheveux noirs ? c'est bien la peine de faire des rêves pareils si c'est pour se faire oublier après, comme une idiote, en plein milieu de la réalité. c'est bien la peine de prendre des bains si longs, choisir des robes si douces, c'est bien la peine vraiment de passer des heures à rêver sur le bord des fenêtres ou bien les pages blanches d'un grand cahier violet. non mais ! j'ai de sérieuses réclamations à faire au service après-vente de ce rêve là, moi. j'ai de sérieuses revendications de consommatrice acharnée. j'exige mon garçon aux cheveux noirs, garanti sous deux jours ou remboursé. j'exige ses mains très blanches et puis ses yeux très bleus. gris ? ses beaux yeux de garçon triste, je les veux. c'est bien la peine de lire Breton, Eluard, Aragon, c'est bien la peine de se gorger de poèmes insensés, des moments de bravoure sur la réalité. je n'ai pas de temps à perdre, moi. je veux ce type là, moi. je veux savoir quel goût il a. je veux voir si mes deux mains rentrent dans le creux des siennes, ses deux mains de fantôme, je veux voir comme elles tranchent sur ma peau de vivante, je veux voir tout cela. quel parfum dans son cou, quel désir sur sa bouche, quels bras et quelle étreinte ? il faut qu'il vienne, et il faut qu'il vienne vite, sinon je prends le premier qui passe, pourvu qu'il lui ressemble, ou que je m'ennuie trop. oui, je sais, c'est tragique, c'est du chantage. mais attention, hein, c'est du chantage online.

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