l'immédiate

journal d'O.

dimanche 14 juillet 2002

le dernier été, il m'emmena à quiberon. un soir, allant dîner, nous roulions tout le long de la mer et puis soudain, parce que les vagues étaient belles ou bien le ciel très bleu, il avait arrêté la voiture sur le côté, et nous étions partis marcher sur la plage. c'était une petite crique toute mordue d'algues et de rocs acérés, il grimpait sur les rochers, je le voyais de loin, et puis tout à coup, tournant la tête un moment vers la mer, plus rien. sur le coup je ne m'inquiétais pas, je me disais, il a du passer de l'autre côté. je l'attendais assise sur le sable, je regardais le soleil couchant au bout du ciel, le bord doux des forêts. une petite barque flottait, décolorée par la mer, les vagues vertes léchaient la rouille de ses maillons de fer, je resserrais mon gilet sur mes épaules, j'avais froid, et il ne revenait pas. souvent auparavant j'avais fait les plus horribles rêves, des rêves où il partait comme en silence, disparaissait, et alors au réveil folle d'angoisse je l'appelais je n'étais soulagée qu'au son merveilleux de sa voix, son rire, sa présence. ce soir-là sur la plage, il avait disparu derrière les rochers, il ne revenait pas, je commençais à l'appeler, il ne répondait pas, j'avais si peur soudain, du soleil qui tombait comme déchu dans la mer, les vagues épouvantables rognant contre le fer, et cette odeur de sel, impossible, étouffante, le parfum de la mort et la putréfaction.

et je savais, je crois, je savais déjà qu'à un moment, cette même douleur cette même peur s'effaceraient doucement dans la mer ou le temps, oui je savais déjà que je m'en irai sans l'attendre plus longtemps, comme emportée par la vague du désir ou de l'amour, le terrible dépassement. alors ce parfum là serait le mien, celui de la trahison.

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