l'immédiate

journal d'O.

mercredi 24 juillet 2002

lettre à B :

l'égypte, tout le long et de très loin pourtant, je l'ai vécue avec vous. j'y pensais tout le temps. je voulais le soleil (tragique), le sable des déserts et puis l'eau du nil lourde, épaisse, large comme les hanches des femmes. je voulais la chaleur, la fournaise, la poussière. je voulais tout le bruit, l'air sec des hôtels, la climatisation, le luxe doré et puis si colonial des clubs et des ambassades. je voulais la langue forte, licoreuse, gutturale, je voulais les prières, les muezzins au matin, la blancheur qui heurte les yeux et le coeur, les linges, les voiles, le lin. cette égypte que je ne connais pas, je l'inventais en moi, je la portais en moi, je la recousais de différents moments connus ou rapportés, la chaleur, la couleur du passé, le soleil blanc, les parfums étrangers.

inventer cette égypte et puis vouloir vous la faire raconter, c'était peut être encore jeter des ponts sur le réel, demander un lien d'autant plus fort qu'il était éloigné, une corde tendue, un moment consacré, et puis m'ancrer ici à la ville, la patrie, pour qu'en revenant chez vous vous ne puissiez alors que revenir chez moi. paris, la ville, le langage, - et tout mon corps étal.

l'égypte, tout le temps de votre voyage, je l'ai vécue avec vous. vous étiez cette égypte, dure et douce et belle et que je ne connais pas, vous étiez cette ville, cette langue de terre autour du fleuve lourd, vous étiez ce moment, dans le moment du rêve, cette forme de ville que l'on connaît de coeur, à laquelle on est lié par des serments secrets.

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