l'immédiate

journal d'O.

samedi 27 juillet 2002

il dit qu'il y a des hérissons dans le jardin, qu'on leur met du lait sous les arbustes pour qu'ils viennent boire le soir, qu'un jour il a trouvé une couleuvre enroulée dans le bol. il me tient la main dans le noir. je retiens un cri à chaque branche qui me frôle. je suis très maquillée, avec des chaussures à talons et une robe noire à manches ballons. j'ai l'air merveilleusement idiote d'une princesse perdue dans la pampa. il dit, mais non, tu ressembles à une italienne des années soixante. je me moque de lui, de ses onze ans tout rond, comment peut-t-il savoir ? il plante ses yeux bleus dans les miens et il dit très sérieusement : j'ai vu des films. nous nous asseyons dans l'herbe pour attendre les hérissons. il parle à voix basse. il parle de la corse où il était en vacances, de la nouvelle voiture de son père (il cite la marque et des tas de choses compliquées), il dit qu'il voudrait bien apprendre à piloter un avion, qu'il a entendu à la radio que l'on était en train de cloner des humains, qu'il se demande quelle est cette étoile tout là haut, et qu'est-ce que je pense de la mondialisation ? je fais chut d'un doigt sur la bouche. trois petits hérissons sortent des buissons à la queue-leu-leu. il dit, c'est très utile les hérissons, ça mange les mulots (je dis : ah bon), c'est très bien fait la nature, tout est ordonné avec la plus grande précision et la plus grande désinvolture, il dit aussi : c'est comme nous, c'est amusant, nés le même jour à la même heure, dix ans d'écart exactement. il me suit tout le temps partout, il m'appelle sa "cousine jumelle". quand il veut me demander un service (l'emmener quelque part ou bien lui faire goûter mon verre de vin en cachette), il me dit : au nom des bien-nés du sept février.

avant - écrire - après
ego - journal - archives - blog