l'immédiate

journal d'O.

mardi 30 juillet 2002

qu'on en finisse avec cet été ! je voudrais que ce soit novembre toute l'année. alors seulement je m'en irais. je m'en irais toute seule. je rentrerais un soir chez moi, je jeterais quelques affaires dans une valise, je repartirais sur le champ. j'apprendrais l'espagnol dans le train. je passerais la frontière de nuit. je m'arrêterais en bord de mer, un petit hôtel vide, un parc avec des chats. la piscine aurait été vidée avec la fin de l'été. j'irais goûter la mer. je dînerais seule le soir derrière les baies vitrées. le maître d'hôtel aurait le visage basané. il porterait un tuxedo usé. il me verserait des coupes d'un vin de pays râpeux et entêté. la chambre serait grande, avec un lit double, bordé. il y aurait beaucoup de vent dehors, un vent froid d'hiver, la pluie sur la jetée. mes cheveux s'envoleraient. je m'achèterais un ciré. j'achèterais des cartes postales dans des cafés. j'oublierais de les envoyer. je ne pourrais pas m'empêcher de parler anglais. je sonnerais le room-service en pleine nuit pour une tasse de thé et un visage humain. je prendrais des bains très chauds. la tuyauterie ancienne ferait un bruit d'enfer. ça me ferait rire aux éclats, toute seule au bout du monde avec mes livres et mes cahiers. j'oublierais tout ce qui n'est pas la mer et le vent fou sur la plage. j'oublierais, pour un temps, tout ce qui n'est pas de la sensibilité surannée de ce nouveau langage. je penserais à paris comme à un parent éloigné. je m'inventerais de nouvelles amours à la nuit et la mer, le phare, la côte et les rochers. j'apprendrais ce pays comme on apprend un corps. je me sentirais infiniment libre de m'y être attachée.

avant - écrire - après
ego - journal - archives - blog