breathing under water...
(le journal d'ophélia) |
lundi 17 juin 2002 je reste vivante par paresse. c'est compliqué de se tuer, il y a tout plein de rituels compliqués, de méthodes élaborées, je serai bien incapable de m'intoxiquer avec quoi que ce soit d'autre que du champagne ou bien du chocolat, je serai bien incapable de mettre en scène ma propre mort sans soudain penser que c'est infiniment drôle, je veux dire, tout de même - pathétiquement amusant, je serai bien incapable de jamais vivre quoi que ce soit même mon propre suicide sans l'éclairer à la lumière d'un rêve ou bien d'un livre : et l'homme qui pendant trois quarts d'heure venait de songer à terminer sa vie, à l'instant même montait sur une chaise pour chercher dans sa bibliothèque le tarif des glaces de saint-gobain (stendhal). alors je reste vivante par paresse. un rien m'amuse, un rien me blesse. je laisse venir la vie à moi, langoureusement, je laisse venir les choses, et les gens, à quand l'amour fou l'emportement toujours nouveau dans une nouvelle histoire que l'on croira éternelle et qui s'étiolera aussitôt ? à bientôt, puisque l'implacable mathématique des choses, à bientôt dans le cercle infini de tout ce qui a déjà été vécu et qui reste pourtant à venir. comme ariane folle dans son bain : tu verras chérie, ça sera bien. je reste vivante par paresse. je veux tout mais je me satisfais de peu. tout m'amuse, puisque l'homme est un singe, une somme d'instincts et de pulsions, tout m'amuse, puisque tout va finir, quand je voudrais mourir (souvent, par ennui, pour voir) c'est quand je suis fatiguée d'avance de cette vie de spectacle à ficelles, mais fatiguée d'avance aussi à l'idée de me supprimer, et quel dégoût de s'abîmer, quand je voudrais mourir il y a toujours un évènement terrible et merveilleux qui me retient au dernier moment : la douceur de la brume, le sursaut souple du corps, un poème griffonné sur un bout de papier. |
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