breathing under water...
(le journal d'ophélia) |
mercredi 26 juin 2002 elle me dit qu'elle est triste. elle dit : je l'aimais, tellement, je l'aimais trop. elle dit aussi : je lui ai tout donné et puis il est parti et puis maintenant je n'ai plus rien. c'était très doux, dans les premiers moments, c'était du rêve, vraiment, elle l'accompagnait sur les tournages, les festivals en bord de mer, elle portait des robes qu'elle avait dessinées elle-même, j'en avais une très belle, rouge, dit-elle, je l'ai donnée à ma soeur quand elle est partie en angleterre. elle me dit qu'elle est triste. je la regarde allumer une cigarette, balayer la fumée du revers de la main. comme elle a les poignets fins ! elle me dit : tous les soirs je l'attendais assise sur mon lit. tous les soirs j'étais baignée, habillée, maquillée, je l'attendais assise sur mon lit. je ne pouvais rien faire d'autre que ça, me préparer à l'attendre, et puis laisser passer le temps jusqu'à lui. elle dit aussi : quelques fois il ne rentrait pas. je restais assise là. toute la nuit. je ne dormais pas. rue de seine j'ai revu anne, le plus grand des hasards. elle avait toujours ce visage de poupée, de grands yeux très beaux, et des poignets si fins. elle était triste. elle s'effaçait tout doucement dans l'oubli d'elle-même et le départ de l'homme. je l'ai emmenée au luxembourg. nous nous sommes assises sur le bord du bassin. nous avons mis nos pieds dans l'eau. il faisait beau. je lui ai montré les fontaines, les statues, les enfants fous, le sillage fin des petits bateaux. elle a souri. j'ai pensé : les immédiates n'ont pas d'autre existence que celle que leur dicte leur corps. |
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