l'immédiate
journal d'O.


lettre à M. A. (non-envoyée)

Turin dans le petit matin. j'écris dans mon carnet chinois (pivoines rouges et vieux papier) des lignes sans importance que je vous enverrai tout à l'heure, ou pas. Turin sous une pluie fine comme la tranche d'un oeil, une pluie chaude et physique, une brume enveloppante, une masse exotique, un truc qui remonte d'un coup le corps dans l'air environnant : peut être, le long des arcades des grandes places, dans le bois foncé des cafés vieillots dont le nom, en lettres d'or, est toujours un augure, avec le chant craquelé d'un violon et d'un accordéon de passage, le vieux type en costume noir et papillon, les dents mangées par la carence du temps, c'est aussi comme cela que j'imagine Buenos Aires que je ne connais pas. il y a foule sur la via Po ; je descends jusqu'au fleuve, chercher le pont, et le pont est splendide, debout dans un paysage de toile verte, mangé de remous gris et d'une brume étalée qui l'emmène vers l'ailleurs : c'est la joie la plus simple, celle du glissement évident, absolu, tranquille, jusque dans la beauté.

 

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26 mai 2007