l'immédiate
journal d'O.


j'arrive en retard, je trouve l'étage sans souci : piano, basse, percussions, guitare. on m'appelle la muse ; je dis : ça n'est pas assez. ils rient, ils sont une poignée heureux, j'aime quoi que j'en dise être ici la seule fille. ils parlent de leurs amours extérieures, leurs passions interdites, je me moque de leurs attaches consolantes et faciles à des filles en amarres, cette façade illusoire de rentrer à la maison sur le bord d'une nuit passée avec une autre, la bouche encore usée et changeant de baisers, cette façon sordide d'en être rassuré, si platement satisfait. ils disent toi tu es la soeur et tu es vraie, ils touchent ma robe, mes épaules, le creux de mes poignets qui est chaud et très blanc, ils rient, ils disent : parfois tu nous fais peur aussi. M sourit, M tranquille, toujours ce grand animal dangereux et débraillé et les yeux tellement sombres qu'ils semblent maquillés, c'est une déflagration encore immense et silencieuse quand il me donne ses bras mais je ne m'effondre plus. la musique s'arrête, il est tard, mes yeux brûlent, j'aime être là sans apprêt sans rouge à lèvres en piège et sans attente surtout, je vis dans la nuit noire, dans l'exiguité douce d'un taxi ou d'une chambre, je sais ce qui arrive, est-ce que je le désire ? quelque chose s'est rayé, quelque chose, très profond. c'était une passion rare, terrible et monstrueuse, une ivresse sans repos à éreinter ma chair au mur de tes yeux fixes, un amour sans pareil et tu as osé dire : il faut pourtant se muscler le coeur. maintenant tu t'avances, je te regarde serrer mes mains, et ma taille, et ma nuque, et je voudrais rire fort, j'ai envie de te dire cette chose ridicule et terrible : je me suis tellement musclée que je ne sens plus rien.

 

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30 mai 2007